George Sand et le roman

George Sand

    Née le 1er juillet 1804, Amantine-Aurore-Lucile Dupin plus tard George Sand, fille de Maurice Dupin, descendant d’Auguste 2, roi de Pologne et de Marie-Victoire Delaborde, fille d’un oiseleur, fut particulièrement tributaire de ses origines, dans sa tête comme dans son œuvre. 

     

      Cette femme de lettres romantique et engagée a en effet bien connu le Berry  Elle y a même passé quarante années de sa vie. C'est en 1808, à l'âge de quatre ans, qu'Aurore Dupin - de son vrai nom - y vient pour la première fois, chez sa grand-mère, Mme Dupin de Francueil. Celle-ci avait acquis en 1793 une propriété à Nohant composée de plusieurs fermes et d'une maison de maître dans des circonstances tragiques puisque sa famille a dû fuir l’Espagne, à la suite de Murat dont Maurice Dupin était l’aide de camp. En septembre de la même année, à quelques jours d’intervalle, son petit frère meurt et son père, Maurice Dupin, se tue dans un accident de cheval à l’entrée de la petite ville de La Châtre..

 

       Dans cette maison de Nohant, . Aurore a passé toute son enfance et son adolescence, courant la campagne avec les enfants des paysans. Devenue George Sand, l'écrivain, héritière de la gentilhommière, y composa la majeure partie de son œuvre. « Il me semble que mes poumons se dilatent à l'air de Nohant et que partout ailleurs j'ai été dans une étuve. » Terre de superstition et d'initiations secrètes, le Berry a servi de cadre à une douzaine de livres signés George Sand, dont ses romans champêtres (La Mare au Diable, François le Champi, La Petite Fadette et, bien entendu, Les Maîtres Sonneurs) où elle donne la parole à des personnages du monde rural jusque-là méconnus. Cette terre qu'elle a tant aimée est aussi en partie à l'origine de son nom de plume.

 

     Mariée hâtivement avec le premier venu, Casimir, fils illégitime mais reconnu du baron Dudevant, Aurore s’ennuya très vite. La naissance de son fils Maurice en 1823 allait éveiller en elle une passion qui ne devait jamais s ‘éteindre et revêtir des formes multiples : celle de la maternité. Beaucoup plus que la grande amoureuse romantique que l’on a voulu voir en George Sand, ses amours auront toujours un caractère maternel ambigu Musset, Chopin furent des hommes plus jeunes qu’elle, des malades qu’il fallait soigner.

En 1828 une fille naquit : Solange, peut être la fille de Stéphane Ajasson de Grandsagne ? Les heurts et l’exaspération des rapports conjugaux, la décident à quitter Nohant pour Paris où elle s’installe avec son amant Jules Sandeau. Ensemble ils écrivent un roman « Rose et Blanche » signé G. Sand.Dès 1832 elle écrit, seule, son premier roman « Indiana » qu’elle signe alors George Sand. Celui-ci remporte un vif succès. Un grand écrivain était né. Née Amantine-Aurore-Lucile Dupin, elle a endossé un pseudonyme pour signer ses premiers écrits. Ce fut d'abord J. Sand, d'après le patronyme de son amant, Jules Sandeau, avec lequel elle publiait. Puis, pour son premier roman écrit seule, elle dut trouver sa propre signature : « Sand resterait intact, et je prendrais un autre prénom qui ne servirait qu'à moi. Je pris vite, et sans chercher, celui de George qui me paraissait synonyme de berrichon », raconte-t-elle dans Histoire de ma vie, son roman autobiographique.

 

      Parmi les nombreux géants de la littérature du 19éme siècle, George Sand fait figure d’exception. « Ce grand homme » disait Flaubert. « La femme la plus féminine que j’aie connue » rétorquai Musset.            

       Une femme. Et quelle femme ! Il était courant qu’une écrivaine, au XIXe siècle, prît un pseudonyme masculin pour écrire, les auteures étant rares et méprisées. En revanche, George Sand fut la seule écrivaine de son siècle dont les critiques parlaient au masculin et qui était estampillée non pas parmi les « femmes auteurs », mais parmi les « auteurs », au même rang que Honoré de Balzac ou Victor Hugo. Romancière, auteur-dramatique, critique littéraire et journaliste, George Sand a marqué la vie intellectuelle de son siècle et figure parmi les monuments de la littérature française. Traversant trois grands courants de la littérature, le romantisme, le socialisme et la vocation paysanne, George Sand écrit sur tout. Elle commence par la liberté des femmes notamment dans Indiana (1832) ou Lélia (1833). Dénonce les maux de la société dans Compagnon du tour de France (1840) ou Consuelo (1842). Déçue de l’échec de la Révolution en 1848, George Sand se retire dans sa maison d’enfance à Nohant, dans le Berry, et se concentre sur une série d’œuvres champêtres optimistes : La mare au diable (1846), François le Champi (1848), La Petite Fadette (1849) et Les Maîtres sonneurs (1853). Sa vie sentimentale est aussi mouvementée que sa vie littéraire. Une vie privée jugée dissolue pour l’époque, et qui fait jaser le Tout-Paris. On compte parmi ses amants Alfred de Musset et Frédéric Chopin. Elle a écrit des contes, pamphlets et nouvelles jusqu’à son dernier souffle. Elle s’éteint à l’âge de 72 ans, à Nohant, laissant derrière elle une œuvre foisonnante. 

 

      Avec 70 romans, 22 pièces de théâtre, des vingtaines d’essais sur l’art, la littérature, la politique, son œuvre totalise 150 volumes dont 25 renferment sa correspondance (40 à 50 000 lettres.) 

      Elle a incarné toutes les passions, exprimé toutes les idées, du romantisme désespéré de « Lélia » au socialisme de 1848, au panthéisme apaisé des dernières années de sa vie

      En même temps mère, amante, amie, fervente socialiste, amoureuse de la nature, passionnée d’égalité et de justice sociale mais aussi de musique, de jardinage, d’entomologie, d’archéologie, s’amusant au jeu des marionnettes, fabriquant des confitures ou montant à cheval, elle incarne toutes les contradictions, surmonte tous les déchirements, fidèle à elle même, en quête éperdue du bonheur, cherchant trop l’absolu pour le découvrir, elle a ouvert la voie au monde moderne.

Le Roman "Les Maîtres Sonneurs"

          Dans les trois premiers mois de 1853, Georges Sand compose et rédige dans la paix de sa maison à Nohant-Vic.« les Maîtres Sonneurs ». Depuis son enfance elle connait les paysages variés du Bas -Berry et le comportement près de la terre de ses habitants .

 

Joseph - le héros du roman- est un enfant simplet et faible aux yeux des villageois de Nohant ; son caractère contraste étrangement avec celui de la belle Brulette et du turbulent Tiennet, ses amis. Solitaire (il emprunterait certains traits de caractère à Chopin ?) il se découvre une vive passion pour la musique et la cornemuse et ne peut se satisfaire du seul mode majeur de la plaine. Pour devenir un musicien complet, il lui faudra découvrir le mode mineur dont les sonneurs de musette usent naturellement dans les  lieux sauvages et isolés du Haut-Bourbonnais. Sur les conseils de son ami Huriel, sonneur et muletier « du pays dont-il a pris le nom », il entreprend un voyage de douze lieues pour perfectionner son art près de Bastien, le Grand’Bûcheux, Maître Sonneur renommé. Quelques mois  plus tard, Joseph, malade, réclame ses amis berrichons. Huriel les accompagnera, à dos de mules, du « fromental » de Nohant aux grands bois du Bourbonnais, non sans « écorné », au retour, le pays marchois.

 

Conté en 32 veillées de broyage du chanvre par Etienne Depardieu (le Tiennet du roman ...mais aussi l’aieul de l’acteur Gérard Depardieu !)« Les Maîtres Sonneurs » retrace cette épopée rustique à la fin du XVIIIè siècle. Ainsi, Berrichons et Bourbonnais vont se rencontrer, se connaitre et s’aimer. Seul Joseph, pourtant muni du titre tant recherché de Maîtres Sonneurs, succombera aux exigences de son orgueil et « d’une rude maîtresse », la Musique.

 

Le romantisme de « la bonne dame » de Nohant reste fidèle à la mémoire du peuple. Elle invente bien peu et s’appuie sur les réalités quotidiennes de la vie paysanne ou des traditions musicales largement vérifiables.

 

 .         L'intrigue, riche en destins croisés, se situe dans les années 1770, avant la Révolution française. Riche en expressions patoisantes, ce récit est aussi truffé de références à la musique populaire. George Sand s'est en effet beaucoup intéressée à la musique de ce pays. Avec l'aide de Chopin et de Pauline Viardot, elle avait même relevé un certain nombre d'airs folkloriques. Ethnologue avant l'heure, George Sand évoque par ailleurs dans Les Maîtres Sonneurs le caractère constitutif de l'identité des deux pays - Bourbonnais et Berry-, opposant la plaine berrichonne avec « ses paysans graves et silencieux, vivant autour de leurs habitations comme poussins alentour de la mue » aux forêts du Bourbonnais avec ses ouvriers des bois et ses muletiers, « ne possédant rien, prompts à s'ébranler, parfois portés à l'excès ».

 

       

         Marie Claire Bancquart, professeur à l’Université de Paris IV, signale dans sa préface des éditions F-Gallimard, « .. Qu’il n’est pas le plus connu des romans « champêtres », encore qu’il passe à juste titre pour un chef-d'œuvre ». Beaucoup y voient une transcription, dans le monde populaire, des rapports difficiles que George établit avec le grand Chopin et cette « rude maîtresse » qu’est la Musique. Joset « l’ébervigé », jeune joueur de flûte de roseau, n’avait pas « la tête assez forte pour ne point prendre le vertige sur les hauteurs où elle nous mène » : fou de grande cornemuse, il trouvera la mort, loin de chez lui, en Morvan.